Depuis la chute des cours boursiers survenue en mars, les marchés ont récupéré une grande partie des pertes causées par l’arrêt brutal de l’activité économique. En théorie, ce regain d’optimisme des acteurs de la planète financière laisserait croire qu’à l’instar du confinement, le pire serait derrière nous.
Tant mieux si c’est vrai puisque personne ne souhaite revivre les derniers mois. Mais attendons avant de crier victoire.
Dans ses dernières analyses, le Fonds monétaire international (FMI) constate un « décalage entre l’optimisme des marchés financiers et l’évolution de l’économie mondiale », car la plupart des indicateurs « laissent entrevoir une récession plus profonde que prévu ». Et aussi plus longue, pouvons-nous ajouter, une vision d’horreur qui inciterait les mêmes investisseurs à se jeter à l’eau comme des rats pour sauver leur peau avant que le navire coule.
Rappelons-nous que ce qui a contribué le plus au rapide retour des investisseurs sur le marché, c’est l’entrée en scène spectaculaire des gouvernements et des banques centrales à l’échelle mondiale. En l’espace de quelques semaines seulement, le FMI a calculé que les gouvernements de la planète ont injecté l’équivalent de 11 billions de dollars américains (11 000 milliards) en mesures de soutien d’urgence aux individus et aux entreprises.
Cela n’inclut même pas l’injection de fonds de la part des banques centrales sous forme de rachat d’obligations pour accroître les liquidités. À la fin mars, par exemple, la Réserve fédérale américaine a annoncé qu’elle rachèterait, à elle seule, pour 2,3 billions d’obligations d’État et d’entreprises pour éviter une crise de liquidités. L’exemple a été suivi partout dans le monde, y compris chez nous, la banque centrale s’étant engagée à racheter chaque semaine pour 5 milliards d’obligations en circulation afin d’ajouter des liquidités dans le marché tout en soutenant leur valeur au moment où leurs détenteurs perdaient confiance dans les titres de dette plus risqués.
C’est cette réaction surprenante de gigantisme et de détermination des autorités qui a convaincu les investisseurs que la crise serait brève (en forme de V, soit une chute subite suivie d’une remontée immédiate) et que, de toute façon, les gouvernements continueraient d’intervenir aussi longtemps que nécessaire. Or, si cette analyse n’est pas totalement fausse, elle est pour le moins incomplète et porteuse de déception.
La réalité, rappelle le FMI, c’est que les entreprises et les ménages étaient déjà endettés à des niveaux records avant la pandémie. Un tel endettement rend tout le monde très vulnérable à une hausse des taux d’intérêt, ce qui ne risque pas de se produire de sitôt, mais aussi à une chute prolongée de la demande domestique et mondiale. Alors que les investisseurs misent sur une crise en forme de V, la probabilité d’une conjoncture en L, où la chute brutale serait suivie d’une reprise anémique et prolongée, paraît plus réaliste.
La question qui se pose alors est de savoir pendant combien de temps les gouvernements peuvent se substituer aussi massivement aux acteurs du marché pour relancer l’économie sans négliger leurs missions fondamentales.
Au cours des récessions précédentes, les gouvernements ne sont jamais intervenus autant que ce qui sera nécessaire cette fois-ci. Jamais autant de secteurs de l’économie n’ont été stoppés en même temps et il suffisait d’investir ici ou là, dans la construction de barrages ou de routes par exemple, pour relancer la consommation et la production locale par effet de domino. Ce n’est pas le cas cette fois-ci, et si la reprise des vols de certification du Boeing 737 Max a suffi pour faire grimper l’indice Dow Jones de 2 % hier, à New York, il serait naïf d’y voir le signe d’un retour de la confiance des consommateurs, qui n’a jamais été aussi faible et sans laquelle l’économie mondiale fera du surplace.
Voilà d’ailleurs une autre des contradictions auxquelles cette crise nous amène à réfléchir. Alors que toute relance de l’activité économique exige un retour des consommateurs soutenus temporairement par les gouvernements, la sagesse la plus élémentaire invite aujourd’hui les premiers à payer leurs dettes et à se créer un fonds de réserve au lieu de creuser leur tombe en s’endettant davantage. Quant aux petits investisseurs, on ne saurait leur conseiller autre chose que de se méfier du chant des sirènes qui leur raconte que, malgré une économie réelle en panne totale, le Dow Jones est d’ores et déjà en route vers de nouveaux sommets après dix années de croissance ininterrompue. L’été pourrait être plus chaud que prévu, vaut mieux s’y préparer et prendre ça cool.
June 30, 2020 at 11:00AM
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Chaud devant, chaud! - Le Devoir
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chaud
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