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Thursday, November 5, 2020

Les enrobés prennent un coup de chaud - Moniteur

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Une étude américaine analyse les émissions de polluants par les bitumes exposés au soleil.

Surprenants, ses résultats restent cependant parcellaires.

Les routes seraient-elles une source de pollution atmosphérique parmi d'autres ? C'est la question posée par des chercheurs américains de l'université de Yale dans un article paru en septembre dans la revue « Science Advances ». L'étude, qui a fait grand bruit au sein de la communauté scientifique et chez les professionnels de la route, s'intéresse à un aspect jusqu'ici négligé des analyses sur les matériaux routiers. En effet, les précédents axes de recherche concernaient les émissions de polluants lors de la fabrication des enrobés et celles provoquées par le freinage des voitures. Il n'est pas question de ces sources de pollution dans l'étude américaine, qui s'est concentrée sur les émissions consécutives à l'exposition des matériaux bitumineux au soleil. Pour mener leurs essais, les scientifiques ont prélevé des échantillons neufs provenant de routes, de toits, mais aussi d'enduits bitumineux, vieux de moins de vingt-huit heures. Ils les ont ensuite exposés à une source de chaleur et à des rayons ultraviolets (UV) pendant dix-huit heures en laboratoire, puis ont mesuré les quantités d'aérosols organiques émises durant ce laps de temps.

Les résultats montrent que le bitume exposé à la chaleur comme aux UV émet des volumes importants de polluants. Ces travaux pourraient donc alimenter de futures études aux Etats-Unis comme en Europe. « Si les protocoles restent trop restreints pour en tirer des conclusions complètes, ces premières analyses ont le mérite de s'intéresser à une source d'émissions potentielles dont nous ne tenons pas compte dans nos analyses. Il peut être intéressant de la considérer dans nos travaux à l'avenir », analyse Charlotte Songeur, ingénieure chez Airparif.

Limites méthodologiques. Routes de France reconnaît également que « certains résultats pourraient ouvrir un nouveau champ d'études avec la mesure des émissions de chaussée sous les UV » et que ces travaux « apportent une plus-value non négligeable sur le plan de l'analyse métrologique du fait de l'importance des moyens mis en œuvre ». Depuis la publication des résultats début septembre, la fédération travaille sur le sujet avec l'Association européenne des producteurs d'enrobés (EAPA) et la Fédération américaine des producteurs d'enrobés (Napa). « Nos instances nationales et internationales envisagent d'engager une nouvelle étude sur ce thème », précisent les intéressés.

Les analyses de « Science Advances » ne sont toutefois pas complètement transposables, met en garde Routes de France. D'une part, parce que le contexte de fabrication des bitumes est différent outre-Atlantique. « Les proportions moyennes de bitume présentes dans les échantillons des chercheurs de Yale avoisinent les 30 %. Or, en France, nos enrobés contiennent environ 5 % de bitume. Par ailleurs, lamasse volumique des échantillons prélevés n'a rien à voir avec celle d'un enrobé routier, qui est compacté. Or, ce critère peut avoir une incidence sur les résultats obtenus », observe la fédération.

Appel à la prudence. Plus généralement, Routes de France appelle à la prudence face aux conclusions de l'étude. « Nous avions déjà réalisé, en partenariat avec l'Institut national de recherche et de sécurité (INRS), des prélèvements d'enrobés pour capturer et analyser les aérosols. Or, à l'époque, nous avions constaté que les gaz prélevés étaient altérés. Par ailleurs, les chercheurs américains ont étudié des types d'échantillons très différents. En effet, les formulations d'un bitume d'enrobé de route et d'un bitume de toiture n'ont rien à voir », prévient la fédération.

Les experts mandatés par Routes de France pointent aussi l'absence d'analyse critique dans l'étude scientifique : « Aucune réserve n'a été émise sur les méthodes d'échantillonnage, ou sur les temps d'observation des émissions de polluants, limités ici à quatre-vingts heures. Il aurait été intéressant d'aller au-delà afin devoir si les matériaux bitumineux pouvaient ne plus émettre de polluants à partir d'un certain seuil. »

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PHOTO - 23206_1384451_k2_k1_3203734.jpg - © SOUDAN E / ALPACA / ANIDA.FR
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PHOTO - 23206_1384451_k4_k1_3203736.jpg - © PIERRE GUIBERT / SAIF IMAGES
« Nous avons été très surpris par les résultats » Drew Gentner, chercheur à l'Université de Yale (Etats-Unis).

Pourquoi vous êtes-vous penché sur la réaction des bitumes aux UV et à la chaleur ?

Ces tests font suite à des recherches que j'avais menées en 2018 avec mon collègue Peeyush Khare.

A l'époque, nous nous étions intéressés aux sources d'émissions, dans l'atmosphère, des aérosols organiques qui ne proviennent pas d'une combustion. C'est dans ce cadre que nous avons identifié les matériaux bitumineux exposés aux UV comme une source significative. Après ces premiers résultats, nous avons décidé d'approfondir cette exploration et de mener une étude complémentaire.

Avez-vous été surpris par les résultats de votre expérience ?

Oui, très surpris. La composition chimique des échantillons testés a été fortement modifiée, et cela dès quarante-six heures après leur exposition. Cela met en évidence la forte dépendance du bitume à la température et aux UV. Nos résultats suggèrent que ces matériaux constituent une source importante d'aérosols organiques secondaires. Or, ce sont justement ces aérosols qui sont en grande partie responsables de la formation des particules fines PM 2,5, elles-mêmes un facteur important de pollution atmosphérique. Les quantités que nous avons retrouvées s'avèrent presque aussi élevées que celles des moteurs des voitures.

Comment expliquez-vous des résultats aussi surprenants ?

L'une des raisons pourrait être réglementaire. En effet, cette dernière décennie, les contrôles sur les émissions polluantes des moteurs de voitures ont été tels que les industriels ont été obligés de mettre au point des technologies faiblement émettrices de ce type d'aérosols. Par conséquent, la part des autres sources de pollution est statistiquement devenue plus importante, car elle n'a pas diminué dans les mêmes proportions que les émissions des moteurs. Cela pourrait expliquer que nos résultats soient aussi significatifs.

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PHOTO - 23206_1384451_k6_k5_3203737.jpg - © YALE UNIVERSITY



November 06, 2020 at 06:08AM
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