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Cet été, les randonneurs aguerris des sentes pyrénéennes les ont peut-être croisés sans les apercevoir. Ou alors, les ont-ils pris pour des reptiles tout ce qu’il y a de plus commun. Résidents des éboulis par-delà les 1 800 mètres d’altitude, les lézards du massif franco-espagnol sont toutefois exceptionnels à plus d’un titre. D’abord en raison de leur endémisme, qui fait qu’on ne les trouve que dans les Pyrénées centrales, du Béarn aux confins orientaux de l’Ariège et de l’Andorre. Ensuite, parce qu’il s’agit des seuls lacertidés – on dénombre trois espèces d’ouest en est, le lézard de Bonnal, le lézard du val d’Aran et le lézard d’Aurelio – à vivre exclusivement en haute montagne, dans nos contrées européennes.
Lézards «inféodés» à l’altitude
«Bien plus que leur aspect physique banal, leur grande particularité, c’est d’être des cas uniques, de faire partie des rares reptiles inféodés aux hautes altitudes, au-dessus de 2 000 et jusqu’à 3 000 mètres», détaille, à leur propos, l’herpétologiste Gilles Pottier, le plus fin connaisseur de ces animaux rupicoles dans la région (1). Et d’ajouter : «Comme ils ne sont pas adaptés à des températures moyennes élevées, cela soulève des inquiétudes dans le contexte de changement climatique.»
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Et elles sont de plus en plus fondées. En effet, la hausse des températures moyennes à la surface du globe, une réalité dans le massif pyrénéen où elles ont augmenté de 1,2°C par rapport à 1950, fait craindre le pire pour ces trois espèces, déjà menacées (ou quasi) de disparition, selon les critères établis par l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN). Un risque d’extinction aggravé de facto par leur endémisme et une aire de répartition géographique particulièrement restreinte – à peine 100 km2 pour le lézard d’Aurelio –, sous forme de constellations de petites populations isolées les unes des autres.
Un lézard de Bonnal sur les hauteurs de Loudenvielle (Hautes Pyrénées). Photo Gilles Pottier
Un concurrent venu des vallées
«Le changement climatique semble menacer la survie de ces animaux ectothermes [dont la température interne varie en fonction de la température extérieure, ndlr], avance Matthieu Berroneau, herpétologiste chargé du suivi du lézard de Bonnal pour l’association néo-aquitaine Cistude Nature. Mais est-ce que c’est la hausse des températures qui va directement affecter ces animaux thermorégulés ou est-ce que ce sont ses effets indirects, comme l’arrivée d’autres espèces de lézards ou de prédateurs, qui auront des conséquences ? Sachant que ces prédateurs et compétiteurs peuvent aussi arriver avec des agents pathogènes.»
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Un reptile très commun à basse altitude et dans les plaines, le lézard des murailles, fait ici office d’élément perturbateur. De son nom scientifique Podarcis muralis, ce lacertidé gris dit «opportuniste», assez comparable aux lézards pyrénéens malgré quelques différences morphologiques, a, de fait, commencé à coloniser le territoire du lézard de Bonnal, selon les relevés du programme scientifique «Les sentinelles du climat», porté par Cistude Nature, entre la vallée d’Ossau et la vallée d’Aspe (Pyrénées-Atlantiques). Soit une progression vers les sommets de presque 100 mètres en deux ans.
Survie en sursis
«Les suivis ont une quinzaine d’années à peine, mais on observe que la remontée du lézard des murailles est effectivement influencée par le réchauffement climatique et les activités humaines, complète Fabien Aubret, biologiste de l’évolution, chargé de recherches au CNRS. Par conséquent, les deux espèces sont aujourd’hui en contact.» Le cousin des vallées va-t-il priver les lézards pyrénéens de leur nourriture ? Leur chaparder des lieux de ponte ? Ou bien, leur transmettre des maladies fatales aux populations ? Une certitude, et les travaux des scientifiques de la Station d’écologie théorique et expérimentale de Moulis (Ariège), financés par des fonds européens et interrégionaux, le prouvent : le lézard des murailles semble capable de s’adapter à son nouvel environnement, par-delà les alpages.
Et ce, sans réduire le succès de sa reproduction ce qui pourrait accentuer la compétition entre les espèces sur un territoire réduit. «Le souci des lézards pyrénéens, c’est qu’ils ont une faible productivité en termes de reproduction (trois ou quatre œufs par an), même si le succès de leur reproduction est très élevé et qu’ils peuvent vivre jusqu’à 20 ans, ajoute l’herpétologiste Gilles Pottier, de Nature en Occitanie. Si la mortalité augmente, cela mettra en péril tout l’équilibre démographique, notamment dans le cas d’une arrivée massive de prédateurs ou de pathogènes.» Alors, que faire ? Découverts et décrits très récemment – dans les années 90 pour les espèces ariégeoises –, les lézards pyrénéens, encore mal connus, n’ont pas encore livré toute leur biologie. Y compris leur éventuelle (in)capacité à s’adapter à une hausse du mercure afin de se reproduire. D’où l’importance de continuer à étudier ces animaux, protégés au niveau national et européen – ils sont inscrits à l’annexe II de la directive «Habitats» –, et dont la survie est, aujourd’hui, en sursis.
(1) Lire Les reptiles des Pyrénées, de Gilles Pottier, éd. Broché, (2016).
August 30, 2020 at 03:03PM
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Changement climatique : coup de chaud pour les lézards pyrénéens - Libération
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